Stalker - laboratoire d'art urbain




L’icône des arpenteurs dans l’art contemporain est sans conteste le laboratoire STALKER. C’est un groupe informel d’architectes et d’intellectuels de diverses spécialités, créé en 1996 et régulièrement renouvelé depuis lors, et qui réalise des déambulations collectives aux marges des villes. La focalisation de leur intérêt sur ces espaces abandonnés, refoulés, en friche, est une façon d’interroger le fait urbain à partir de ce qu’il cache, de débusquer dans ces terrains vagues une autre réalité de la ville. Ainsi, en 1997, la petite bande du Laboratoire a effectué un parcours de quarante kilomètres à Paris, partant du centre-ville et allant droit vers la banlieue, croisant l’ancien chemin de fer intérieur, les boulevards périphériques, les friches de Montreuil, les autoroutes, jusqu’aux abords de Roissy, suivant une ligne aussi droite que possible malgré les obstacles dressés par l’aménagement urbain. Dans un tel projet, il n’est pas question de guetter la rencontre fortuite, l’accident significatif ; ce qui compte, c’est l’appréhension directe, physique, de ces espaces intermédiaires, qui ouvre l’esprit à une nouvelle compréhension du contexte urbain. Mais les conclusions qu’en tirent les marcheurs, ils ne les divulguent pas ; arpenter est une expérience personnelle. D’ailleurs, la trace conservée de ces dérives d’un nouveau genre prend la forme d’une carte, mais une carte illisible, ininterprétable. Dans le « planisfero Roma », élaboré après une promenade autour de Rome, la ville est répertoriée en jaune, les terrains vagues en bleu, le parcours est représenté par une ligne blanche, mais il est impossible de s’orienter à partir de cette carte, elle n’offre aucun repère exploitable, elle n’est qu’une métaphore de tous les parcours semblables que chacun peut inventer. Ces déambulations n’ont finalement pas d’autre fin que la marche elle-même, et les sentiments mêlés qu’elle est capable de susciter en chacun de nous. « A la ville portraiturée s’oppose radicalement le territoire expérimenté. »

Extraits du Manifeste Stalker

LES TERRITOIRES ACTUELS

Ils forment le négatif de la ville bâtie, les aires interstitielles et marginales, les espaces abandonnés ou en voie de transformation. Ce sont les lieux de la mémoire réprimée et du devenir inconscient des systèmes urbains, la face obscure de la ville, les espaces du conflit et de la contamination entre organique et inorganique, entre nature et artifice. Ici, la métabolisation des rebuts de l'homme par la nature produit un nouvel horizon de territoires non explorés, mutants et, de fait, vierges, que Stalker a appelés Territoires Actuels, soulignant par le terme actuel le "devenir autre" de ces espaces. "L'actuel n'est pas ce que nous sommes mais plutôt ce que nous devenons, ce que nous sommes en train de devenir, à savoir l'autre, notre devenir autre" (M. Foucault). De tels territoires sont difficilement intelligibles, et par conséquent aptes à faire l'objet de projets, du fait qu'ils sont privés d'une localisation dans le présent et par conséquent étrangers aux langages contemporains. Leur connaissance ne peut être acquise que par expérience directe; les archives de ces expériences sont l'unique forme de cartographie des territoires actuels.

TRAVERSER

Stalker traverse à pieds les Territoires Actuels: c'est le seul moyen d'exister sans médiations dans ces lieux, pour participer de leurs dynamiques. Une forme de recherche nomade tendue vers la connaissance par la traversée, sans rigidifier, homologuer ou définir l'objet de la recherche pour ne pas entraver son devenir. Traverser est pour nous un acte créatif, il signifie créer un système de relations au sein de la juxtaposition chaotique des temps et des espaces qui caractérisent les Territoires Actuels. Traverser signifie composer en un unique parcours cognitif les contradictions criantes qui animent ces lieux à la recherche d'harmonies inouïes. Traverser et faire traverser, induire à la perception de l'actuel afin d'en diffuser la conscience, tout en en sauvegardant le sens contre les banalisations du langage.

LE PARCOURS COMME PLAN COGNITIF

"Stalker" expérimente l'agglomération urbaine comme il expérimenterait un plan cognitif qui serait actualié grâce à une pénétration continue dont le dessin maculé trouve des claires analogies avec les récentes représentations de l'âme humaine, "l'esprit humain n'est pas une unité ni une structure organisée de facon hiérarchique: mais c'est un ensemble d'aptitudes distinctes, facilement localisables dans des zones specifiques du cerveau..." (F. Jervis).Il est intéressant de noter le fait que ces deusc images ont en commun un problème de "pattern" de localisation de réalités différentes qui vivent séparément des qualités différentes, dont les luns, les relations sont le resultat de parcours. Cucillir cette récelité suppose devoir se mesurer avec des modalités dynamiques en mouvement, mouvements capables de sectionner le dessin articulé de ce paysage en mille parcours possibles, les uns différents des autres, sans jamais passer par un centre.

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