Design=Attitute
Attitude > disposition d’esprit, déterminée par l’expérience à l’égard d’une personne, d’un groupe social ou d’une chose abstraite (problème, idée, doctrine, etc.), qui porte à agir de telle ou telle manière. (voir le portail linguistique cntrl)
Pour SITU, le Design Urbain est une discipline qui va au-delà de l’aménagement d’un espace urbain ou d’une méthodologie de design thinking. Il s’agit de repenser notre rapport à l’espace, à l’urbanité et aux paysages, en intégrant des pratiques durables et respectueuses de l’environnement et de ses habitant.e.s, humain.e.s et non humain.e.s. Le design urbain est un acte de création d’un projet en vue de la réalisation et la production d’un espace, il se situe à la croisée de l’art, de la technique et des enjeux sociétaux. Pour citer le designer Andrea Branzi
« le designer est un inventeur de scénarios et stratégies. Ainsi, le projet doit s’exercer sur les territoires de l’imaginaire, créer de nouveaux récits, de nouvelles fictions, qui viendront augmenter l’épaisseur du réel ».
SITU travaille les problématiques urbaines contemporaines à partir d’une pensée écosophique dans un monde qui a besoin de futurs possibles. L’enjeu d’une proposition de design urbain est de transformer le lieu en espace, où comme le note Michel de Certeau dans L’invention du quotidien, le lieu est « l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. », et « l’espace est un lieu pratiqué». Plus concrètement, le.a designer.euse doit épaissir les fractions d’espace où les pratiques quotidiennes, les tactiques et les ruses, deviennent possibles.
Être designer.euse urbain.e implique la prise en compte des conditions sociales, culturelles et esthétiques, économiques et politiques, environnementales de la production des espaces ainsi qu’un positionnement critique par rapport aux enjeux contemporains du développement des territoires. Le design urbain agit aux différentes échelles des territoires – des grands paysages, aux territoires intimes – et de ce fait il participe à la fabrique de l’urbanité.
Pour SITU, le.a designer.euse urbain.e fabrique de toute part des propositions artistiques ancrées dans les communautés et les territoires. Ses propositions peuvent révéler, réveiller, renforcer, parfois réinventer l’identité d’un lieu, d’un espace, par plusieurs approches permettant la compréhension de toutes ses composantes. Sa démarche est réflexive et évolutive, elle intègre de nouvelles données au cours de l’élaboration du projet. Rendre l’espace public plus humain et plus accessible à tous.te.s les citoyen.ne.s de tous âges et de toutes origines sans pour autant banaliser ou dénaturer le lieu.
Du projet « Place au changement ! » du Collectif etc en 2011, au Parlement de la Loire de pÔlau ; Legible London de Tim Fendley – système d’orientation privilégiant les perceptions du piéton - au design sonore de JR East équipant le réseau tokyoïte ; du travail de Roger Narboni sur la lumière, à celui de Ruedi Baur sur l’identité visuelle des villes; du Project for Public Space de Fred Kent – ONG dédiée à la création d’espaces publics qui reflètent leurs communautés – aux interventions de Guérilla Gardening ; du Marbre d’ici de Stefan Shankland au design d’intérêt général de Vraiment Vraiment ; les multiples exemples de rencontres entre design et urbain, témoignent de la force de proposition, de la créativité et de l’expertise technologique des designer.euse.s.
Le postulat de SITU est que « le design n’est pas une profession, c’est une attitude ». Cette phrase de László Moholy-Nagy est tirée de « Nouvelle méthode d’approche. Le design pour la vie», texte publié en 1947. Artiste et théoricien d’avant-garde, enseignant au Bauhaus, László Moholy-Nagy occupe une place à part dans l’histoire du design. Son livre, Vision in Motion, publié en 1947, évoque sa vision du design, de l’art, de la technologie et de la pédagogie et de leur rôle dans la société. Le livre présente les idées et les observations d’un artiste talentueux et dynamique, qui a connu plusieurs transformations des approches du design: la naissance du constructivisme en Hongrie – son pays natal – après la Première Guerre mondiale, l’apogée du Bauhaus dans l’Allemagne des années 1920 et l’émergence du modernisme dans les années 1930, d’abord en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis. Sa vision éclectique et stimulante du design, ainsi que la conviction passionnée que la société pourrait bénéficier de l’adoption d’une approche plus ouverte et plus progressiste, sont résumées dans le deuxième chapitre, Nouvelle méthode d’approche. Le design pour la vie. Moholy-Nagy distingue trois aspects qui permettent de dégager tout l’intérêt du design pour notre époque : 1/le rapport privilégié à trois composantes majeures de l’esprit de notre temps : la complexité, la transdisciplinarité et la relation ; 2/ le dépassement de la séparation en disciplines fermées et l’ouverture vers un esprit d’ingéniosité et d’inventivité ; 3/ le design est requis à chaque instant et à tous les endroits de la vie. Il faudrait donc, pour que la vie soit servie au mieux, que chacun.e développe une attitude de designer.
Cette position se lie à son instinct intégrateur, qui le rend capable de saisir des éléments en apparence disparates, d’embrasser et d’opérer la synthèse entre des problèmes relevant de l’évolution de la société, du développement des machines et des techniques et des problèmes ouverts par l’éducation artistique, amenant à des préoccupations d’ordre philosophique et anthropologique. Au fondement de cette conjugaison de facteurs, qui ne va pas sans poser des difficultés de méthode, se trouve un motif, une orientation profonde et insistante chez Moholy-Nagy : pour la vie.
Moholy-Nagy, affirme que « la notion de design et la profession de designer ne [doivent plus être] associées à une spécialité, mais à un certain esprit d’ingéniosité et d’inventivité, globalement valable, permettant de considérer des projets non plus isolément, mais en relation avec les besoins de l’individu et de la communauté ». En ce sens, « aucun sujet, quel qu’il soit, ne saurait être soustrait à la complexité de la vie et traité de manière autonome ». Dans cette optique, il envisage la création d’objets et d’environnements dans le cadre d’un « design pour la vie », qui associe étroitement, selon ses termes, technique, forme, politique et économie. Le.a designer.euse, dont la figure émerge avec le développement de la société industrielle, devient alors un.e collaborateur.ice critique des industries.
Il est particulièrement intéressant d’identifier ce terme d’«attitude», notamment parce qu’il a été repris soixante ans plus tard dans un ouvrage à succès d’Alice Rawsthorn, Design as an Attitude. Alice Rawsthorn (née en 1958) est une critique reconnue du design, cofondatrice avec Paola Antonelli (conservatrice du MoMA de New York) de Design Emergency, une plateforme de recherche portant sur le rôle du design dans la « construction d’un avenir meilleur ». Comme le remarque la designeuse Camille Bosqué dans son ouvrage Design pour un monde fini, « dans le sillage de la pandémie de Covid-19 et de l’urgence climatique croissante, Design as an Attitude explore les développements les plus dynamiques du design actuel face aux besoins d’une époque instable sur les plans économique, politique et écologique. »
Alice Rawsthorn poursuit l’ambition de László Moholy-Nagy, qui, dès les années 1940, reconnaissait la capacité du design à être une force en puissance, un agent du changement dans les sociétés contemporaines, indépendamment des contraintes strictement commerciales. Rawsthorn retrace différents enjeux qui ne peuvent pas rester hors des terrains d’action du design contemporain : l’adoption (ou la critique) des technologies numériques, l’émergence d’une nouvelle vague de concepteurs en Afrique, le renouveau de l’artisanat, la question du genre, l’intelligence artificielle, la crise des réfugiés, etc.
Le design connaît aujourd’hui un renversement qui va dans ce sens et qui le place à la croisée de pratiques et de cultures de plus en plus variées, en relation d’interdisciplinarité avec d’autres pratiques comme les métiers d’art, l’artisanat ou, plus généralement, le faire (fabrication personnelle, pratiques de bricolage). Cette culture mobilise non seulement des designer.euse.s, mais aussi des personnes issues d’autres disciplines susceptibles de partager cet « esprit d’ingéniosité et d’inventivité » cher à László Moholy-Nagy.
Penser le design comme une attitude, plutôt que comme une profession fermée, revient en somme à reconnaître la valeur des projets menés de manière décentralisée, collective et ancrée dans le territoire.
Bibliographie
László Moholy-Nagy, Peinture Photographie Film et autres écrits sur la photographie (1947], trad. Catherine Wermester et Jean Kempf et Gérard Dallez, Nimes, Jacqueline Chambon, 1993.
Alice Rawsthorn, Design as an Attitude, Dijon, Les Presses du réel, 2022
Camille Bosqué, Design pour un monde fini, Carnets parallèles/ la vie des choses, 2024